Charles Lasselin (1906-1945) Mort pour la France
"Non Rentré"
Ce sont les termes relevés sur l’imprimé administratif, de recherches de personnes disparues dès 1946.
INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES :
- Prisonnier militaire 18542
- Stalag IB au IA en octobre ou novembre.
- Lager Dienst (Camp de travail) - Heiligenbeil - Prusse Orientale.
- Situation géographique : près de Hohenstein à 60 km au sud de Königsberg
- Hall 44. Deutsche Industrie-Werke
Printemps 1945, poche d’Heiligenbeil
Depuis l’été 1944, la Prusse Orientale est le théâtre de violents combats. C’est l’une des provinces allemandes les plus exposées. Les raids aériens anglo-américains ont débuté à la fin du mois de juillet 1944, avec la destruction totale de Königsberg et se poursuivent pendant tout l’automne. De nombreux camps de prisonniers ont été endommagés et ont nécessité le déplacement des occupants. Ce qui explique le changement d’affectation de Charles, passant du Stalag IB au IA à l'automne 1944.
La Prusse Orientale, très convoitée, devient une des priorités de l’armée rouge. Après une offensive ratée à l’automne 1944, le général Joukov se donne les moyens d’ouvrir un troisième front. L’encerclement de « la poche d’Heiligenbeil » ou encore « le chaudron d’Heiligenbeil », un épisode de la fin de la Seconde Guerre mondiale qui se déroule du 26 janvier au 29 mars 1945. La cité, sous les bombes au phosphore à partir du 22 mars, tombe le 25 mars, totalement détruite.
C’est dans cette ville, aujourd’hui Mamonovo ville russe de l’oblast de Kaliningrad, que travaillait Charles.
Très précisément dans le hall 44 de l’usine « Deutsche Industrie-Werke ».
Il s’agissait, à l’origine, d’une usine de matériel agricole, mais qui sait ce que l’on y fabriquait pendant la guerre !
Le Stalag
Quelques explications sur les camps de prisonniers de guerre, qui ne sont pas des camps de concentration ! On distingue le Stalag destiné aux hommes de troupe de l’Offlag réservé aux officiers.
Sur l’ensemble du territoire allemand on dénombre une soixantaine de camps répartis en 80 000 Kommandos. Ce sont des compagnies de travail.
Affectés à des chantiers ou des usines, les hommes travaillent et parfois vivent à l’extérieur du stalag (exemple dans les fermes). Ils doivent porter en grosses lettres l’inscription KG (KriegsGefangene = Prisonnier de Guerre ) dans le dos et en petites devant sur le côté gauche.
Stalag IB : (lire 1B- chiffres romains)
Le Stalag IB « Hohenstein » était un camp de prisonniers de guerre allemand de la Seconde Guerre mondiale situé à 2 kilomètres à l'ouest de Hohenstein, en Prusse orientale (aujourd'hui Olsztynek, en Pologne ). Créé en 1939 pour héberger les soldats polonais capturés au cours de la campagne de septembre, il fut progressivement agrandi pour accueillir également des soldats belges, français, italiens et soviétiques. Les conditions difficiles, la malnutrition, les mauvais traitements et les épidémies de typhoïde récurrentes provoquèrent de nombreux décès parmi les prisonniers. Notamment au cours de l'hiver 1941-1942, environ 25 000 personnes y moururent, principalement des soldats soviétiques.
Stalag IA (lire 1A)
Le Stalag I-A était, durant la Seconde Guerre mondiale, un camp de prisonniers de guerre situé en province de Prusse-Orientale à proximité de Stablack (ce nom, donné au camp, était la gare d'arrivée des prisonniers) à 30 km de Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad en territoire russe). 23 000 prisonniers de guerre y furent détenus dès 1940. Une cinquantaine de compagnies de travail, en allemand les « Arbeit Kommandos » étaient disséminés dans la région pour réaliser des travaux dans les fermes ou soutenir l'effort de guerre allemand, dans les usines.
Flashback : Mai 1940, la débâcle.
« Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours »
Cette citation émane d’un stratège français renommé : Napoléon Bonaparte. Voici donc en image, le plan d’attaque des Allemands.
Une fois la guerre terminée en Pologne (fin de l'hiver 1939) l'Allemagne prépare la reprise de la guerre à l'ouest contre les Franco-Britanniques. Le plan allemand (dit plan Manstein) est d'attaquer la Belgique et les Pays-Bas pour obliger les Français à quitter l'abri de la ligne Maginot et de se porter vers le nord (comme en 1914). Puis les Allemands attaqueraient massivement l'armée française à travers la forêt des Ardennes…. Fut dit, fut fait !
Du Nord à la Prusse Orientale
Charles Lasselin, était affecté au 411e régiment de pionniers, une des unités de travailleurs chargés de travaux de renforcement des positions, des aménagements de la défense passive et de la protection des points sensibles.
Formées de soldats plus âgés, Charles avait déjà 34 ans, ces unités de réservistes, considérées comme non combattantes, étaient dotées de peu d’armement et de matériel ancien. Elles n’en furent pas moins, lorsque les conditions l’ont imposé, envoyées au combat en tant qu'unités d'appoint pour l'infanterie.
Nous ne savons pas à quelle date exactement et dans quelles circonstances, son unité fut capturée et désarmée, cela peut être dès le 21 mai lors de la bataille d’Arras ou un peu plus tard lors du repli vers la mer. Sa fiche militaire ne sera consultable en ligne qu’en 2026.
Les prisonniers, en colonnes de plusieurs centaines (jusqu’à 2000) traversèrent le Nord, en de longues marches harassantes. Peut-être, ironie douloureuse de l’histoire, Celle de Charles passa-t-elle par Cambrai.
Des gardes allemands armés, à bicyclette ou à pied, encadraient ces longs et lents cortèges de combattants vaincus et humiliés. Ils dormaient à la belle étoile, puis la colonne repartait, destination la gare de Beauraing, en Belgique pour une traversée du pays.
Les hommes furent bien accueillis par la population belge qui leur donna à boire et à manger. À bord du train, les hommes étaient entassés à 60 par wagon, sans eau ni nourriture durant le trajet ; seuls quelques arrêts leur furent accordés pour satisfaire les besoins naturels.
Les prisonniers arrivèrent en gare de Trêves en Allemagne où ils reçurent crachats et quolibets. Ils firent étape dans un camp pour repartir le lendemain en train, direction Berlin. Dans la gare de la capitale, les infirmières de la Croix-Rouge allemande prenaient en charge la distribution alimentaire, nourriture et boisson dont le célèbre et imbuvable café d’orge.
Le lendemain, le train repartit, direction Hohenstein via le couloir de Dantzig. Ils parvinrent au stalag IB fin juin 1940, après plusieurs nouvelles heures de marche, tiraillés par la faim et la soif.
Derrière les barbelés.
Lorsqu’ils arrivèrent dans les camps, les prisonniers découvrirent de tristes baraquements parfois encore en chantier. Le Reich n’avait pas imaginé faire autant de prisonniers ! Quant à la nourriture, au camp, beaucoup la qualifiaient d’ « infecte » : soupe claire dans laquelle flottaient quelques pelures de légumes, tartines de margarine, peu de viande et du pain douteux, noir, collant. Il allait falloir s’en accommoder.
Immédiatement après leur arrivée tous les prisonniers, qui ressentaient la nécessité de rassurer leurs proches, furent autorisés à envoyer une première carte postale officielle. Elle permit à Charles de rassurer sa famille à Montigny et de lui communiquer ses coordonnées postales. Bien évidemment, tous les courriers expédiés ou reçus étaient traités par la "Kriegsgefangenpost" et visés par la censure. Par la suite, la correspondance se limiterait à l’envoi mensuel de deux lettres et deux cartes postales.
Rapidement, les captifs faisaient connaissance avec leurs compagnons d’infortune et se regroupaient selon leurs origines. Cela facilitait les échanges et soutenait le moral. Qui sait combien de temps cela allait durer !
Epilogue
Pendant quatre longues années, Charles avait subi les difficiles conditions de détention, les privations, l’attente des colis de la croix rouge, l’arrivée des nouvelles de la famille. L’espoir avait regonflé le moral des prisonniers lorsqu’ils avaient eu vent du débarquement des alliés en Normandie, la fin de la guerre était proche, Hitler serait vaincu. Notre captif allait retrouver son épouse et ses deux fils qu’il avait quittés gamins et étaient devenus des adolescents.
Le destin en décida autrement. L’usine fut détruite dans le bombardement des alliés soviétiques, le 18 mars 1945. Plusieurs centaines d’ouvriers allemands et prisonniers moururent enfouis sous les décombres.
Après la capitulation de l’Allemagne, de longues recherches furent effectuées pour connaître le sort de ces « non rentrés ». La Croix-rouge jouera un rôle essentiel dans la recherche des disparus.
Il fallut s’assurer que Charles n’avait pas été capturé par les Russes et envoyé dans un nouveau camp. Tenter de savoir s’il était toujours en vie, et dans quelles conditions. Finalement, après avoir interrogés plusieurs prisonniers de retour au pays, l’administration trouva un témoin, survivant du Stalag, qui hélas confirma la mort de Charles lors du bombardement.
Son décès sera officiellement acté, avec la mention " à compter du 11 octobre 1946. S'ensuivra pour sa famille, son épouse, une longue et fastidieuse période de procédures et tracasseries administratives, venant s'ajouter aux problèes matériels et financiers. Les aides attribuées sont insuffisantes.
Le dossier sera définitivement clôturé en 1949, la région étant passée sous contrôle soviétique. La dépouille de Charles comme celle des autres victimes restera à jamais perdue derrière le rideau de fer.
Les copies de documents d’archives du dossier m’ont aimablement été confiéss par le Service Historique de la Défense.
Un peu de généalogie.
Charles, né en 1906 de Charlemagne et Marie LASSERON, sa famille était originaire de Maretz. Je lui suis apparentée par la Branche POULAIN provenant de Clary.
Il avait épousé, le 14 février 1931, Marie Félicité WARNEZ, fille de Pierre et Marie LEFORT de Montigny en Cambrésis avec laquelle Je suis également apparentée.
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Date de dernière mise à jour : Sam 06 juil 2024
Commentaires
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- 1. Francois LENGLET Le Dim 07 juil 2024
Que d'émotion à la lecture de cet article !
En effet :
- je suis le fils d'un ancien prisonnier de guerre qui a passé 5 ans dans les "Oflag" de Nuremberg puis Münster et qui eu la chance de rentrer en France en mai 1945 ( je suis né en février 1946)
- mon épouse est la fille d'un ancien prisonnier de guerre qui a passé plus de quatre ans dans le "Stalag" de Hambourg, est rentré en France (blessé à la poitrine lors des bombardements ) en septembre 1944 ( Françoise est née en juin 1945).
Mon père a écrit au jour le jour son parcours du 10 mai 1944 à septembre 1944.
Je suis en train de mettre en forme avant intégration dans mon Blog.
Un grand merci et bravo -
- 2. Bruneau Christiane Le Dim 07 juil 2024
Bel article, bien écrit ( comme toujours ) et très bien documenté.-
- Dominique LENGLETLe Dim 07 juil 2024
Merci Christiane, j'essaie de m'appliquer :-))
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