Louis Pruvot (1847-1889)
Préambule
Cet article s'inscrit dans le cadre de l'exercice d'écriture Rendez-vous Ancestral, défi mensuel qui mêle généalogie et expression écrite. L'objectif est de revenir dans le passé pour explorer les faits généalogiques exacts et avérés tout en utilisant une approche fictive où le généalogiste rencontre ses ancêtres à une époque donnée. A nouveau, j'endosse le costume d'Osyne, chroniqueuse spatio-temporelle à la gazette Cetaitautemps.
Vendredi 1er mars 1889
Le vent d'hiver soufflait fort sur Bertry ce matin-là, comme une bise glacée du Nord qui glissait sur les toits de tuiles et les ruelles enneigées. Les bruits de la vie quotidienne se mêlaient au crissement de la neige sous les pas des villageois.
De la Grand-rue à place du Riez une rumeur grandissait, se propageant de bouche à oreille. Une charrette, conduite par un gars qui n’était pas d’ici, avait traversé le village, avec un homme allongé à l'arrière. Il y avait eu un accident.
Mais, qui ? Quoi ?
Je m’approchais d’un vieil homme, assis près du poêle, le regard perçant au-dessus de sa pipe. Je lui demandai, avec un air aussi détaché que possible : "Savez-vous ce qu'il s'est passé ?"
Il leva lentement les yeux, me jaugeant d’abord, puis m'interpellant d'une voix méfiante : "Vous… vous n'êtes pas d'ici, hein ? Qui êtes-vous, au juste ?"
Je pris une grande inspiration avant de répondre : "Je suis Osyne, chroniqueuse pour la gazette Cetaitautemps. Je travaille sur les événements qui secouent notre région. C’est à propos de l’accident…"
Il resta silencieux un moment, m'observant toujours avec prudence. Puis, d’une voix basse, toujours aussi bourru, il me répondit : "Je ne connais pas cette gazette, et de toute façon, je ne sais pas lire... Alors vos histoires, ça ne me concerne pas." Il souffla un nuage de fumée, avant d’ajouter d’un ton plus amène, "Mais pour ce qui est de Louis, c’est une triste histoire. Un malheur, oui. Je suppose que ça vous intéresse."
« Louis Pruvot, le fils de François et de Célestine Hennino, il n’était pas du genre à se tourner les pouces. Comme son père, il donnait de ses bras dans les fermes des alentours, offrant son aide là où il en fallait.
Aujourd’hui, il était allé couper un arbre à la ferme du Tronquoy. Mais voilà, bûcheron c’est un vrai métier, et lui, il n’était pas bûcheron.
L’arbre, il ne l’a pas vu tomber sur lui, comme ça, sans prévenir. Il lui a fracassé le crane . On l’a ramené à sa maison, sur la charrette, mais c’était trop tard. Louis est mort en tout début d'après-midi. C’est un vrai malheur, c’est tout ce que l’on peut dire. »
Je poursuivis mon enquête, cherchant à en savoir davantage sur la famille de Louis. « Était-il marié ? » demandai-je, espérant découvrir un peu plus sur l’homme derrière l’accident.
L'homme hocha la tête. «Oui, il s’était marié une dizaine d’années plus tôt, avec Léonie Lempereur. Une jeunette de Clary, le village d’à côté. Il avait bien dix ans de plus qu’elle » Il marqua une pause avant de reprendre, « Ils avaient deux garçons. Louis, le premier, devait avoir sept ou huit ans, et Henri, presque un nourrisson, c’etait tout juste s’il marchait.»
Je notai dans mon carnet que son épouse se faisait appeler Léonie, bien que son prénom officiel fût Appolonie. Un prénom moins commun, mais bien ancré dans la tradition de la région.
Je poursuivis, toujours curieuse de découvrir davantage sur cet homme qui, malgré son triste destin, avait sûrement eu une vie pleine d'histoires. « Louis, il a fait la guerre, non ? » demandai-je.
L'homme me regarda, sa pipe suspendue à ses lèvres, avant de reprendre la parole, un brin nostalgique. « Ah, ça oui, Louis, il a bien connu l'armée. Il a fait la campagne de 1870, contre ces maudits Prussiens, dans l’armée du Nord, avec le général Faidherbe. Il était tout jeune. C’était pas facile, croyez-moi ! Il en parlait parfois, mais jamais vraiment en détail. Il n’avait pas l’âme d’un soldat, tu sais. C’était un homme de la terre, un travailleur. »
Epilogue
Après avoir plongé dans l'histoire de Louis Pruvot et de sa famille, il est temps de sortir de l'immersion pour partager ici quelques éléments plus factuels. Voici l'article de presse sur lequel j'ai bâti mon scénario.
Après le décès tragique de Louis, Léonie, sa veuve, ne se remaria pas. Elle resta vivre rue de la Tourniquerie avec ses deux enfants. En 1893, elle donna naissance à une petite fille, Eugénie, dont l'identité du père reste inconnue. Malheureusement, cette petite Eugénie n'eut pas la chance de grandir et son passage sur terre ne dura que 18 mois. Un autre drame pour Léonie, qui avait déjà perdu son mari de manière si violente.
Appolonie Lempereur, connue sous le nom de Léonie, mourut en 1903, à seulement 44 ans.
Le fils ainé, Louis, se maria et s’établit, en 1907, à Elincourt où il mourut l'année suivante. Son cadet, Henri,vécut à Maretz jusqu'en 1950.
Louis Pruvot est un collatéral par mon arrière grand-mère Adolphine.
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Date de dernière mise à jour : Sam 15 mars 2025
Commentaires
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- 1. Catherine Livet Le Dim 16 mars 2025
Bien triste histoire que celle de Louis. -
- 2. Fanny-Nésida P Le Sam 15 mars 2025
En verve pour contextualiser ce triste fait divers -
- 3. Bruneau Christiane Le Sam 15 mars 2025
Nous sommes bien peu de choses dit mon ami la rose !
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