A la rencontre d'Angélique Lefort
#RDVAncestral juin 2022
Mon Rendez-vous Ancestral, voyage spatio-temporel de juin, m'a conduite à la rencontre d’Angélique LEFORT, mon arrière-arrière-grand-mère, épouse d’Auguste TAMBOISE, le fils naturel de Rosalie dont je vous ai parlé dernièrement. Qui sait si elle ne détient pas la clef de l’énigme du décès de cette dernière !
Si vous avez manqué le texte sur Rosalie et les enfants nés hors mariage c'est ICI
Ascendants de Marie Tamboise, mon Arrière-grand-mère.
« Bonjour Angélique ! »
Mon interlocutrice ouvre tout grand des yeux ébahis et reste muette de stupéfaction. Nous sommes à Montigny en Cambrésis le six juin 1889.
La femme qui me fait face est encore jeune mais déjà marquée par le chagrin, le travail et les maternités. Tout de noir vêtue, je la croise à proximité de l’église, en cette fin d’après-midi, elle sort du cimetière où elle est allée se recueillir. Il a plu. Un ciel de traine apporte aux lieux une lumière étrange, où le bleu côtoie le noir, où les rayons du soleil se marient à l’obscurité comme pour rappeler aux croyants que la mort et la lumière du salut sont intimement mêlées. Le vieux cimetière, qui comporte un carré protestant distinct de la parcelle réservée aux catholiques romains, est couvert de sépultures. Pour la plupart des tombes sans caveaux, modestes rectangles de terre ceints d’un tour de briques, surmonté d’une simple croix de bois ou de fer forgé.
« Homme, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière »
Le premier mouvement de surprise passé, elle me répond hésitante :
« Bonjour Mademoiselle … ? Excusez-moi je ne vous remets pas. J’ai la tête toute chamboulée depuis la mort d’ Auguste. Ce matin on a enterré ma mère, Ambroisine HALLE décédée hier. C’est dans l’ordre des choses, elle avait 78 ans. Mais mon mari, Il nous a quitté le 9 avril dernier, il était bien jeune encore, 47 ans ! »
Visiblement submergée par l’émotion et le chagrin Angélique pleure doucement. Je laisse passer ce flot de paroles puis je me présente comme une petite cousine habitant Bertry, le village voisin. Elle est tout excusée, nous ne sommes pas de très proches parentes. Les circonstances douloureuses expliquent qu’elle ne se souvienne pas de ma présence aux funérailles.
Je raconte à Angélique ma passion pour la généalogie, l’étude des familles. Un petit sourire triste apparaît sur son visage, elle me demande, l’air navré, si je pense vraiment trouver des nobles chez les TAMBOISE ou les LEFORT ?
Je m’embarque dans une explication maladroite : notre loisir, ce n’est pas cela, c’est la quête de nos racines, la découverte de l’histoire locale. La voilà encore plus désarçonnée par mon propos. La notion de loisir lui est inconnue, le mot est synonyme d’oisiveté, mère de tous les vices ! Je m’en tire par une pirouette, Je lui montre une version papier de mes recherches, brode sur une activité de mise au point d’une nouvelle méthode de recensement, de quoi la rassurer sur le sérieux de mon travail qui l’impressionne, elle dont le mari ne savait pas signer et qui sait tout juste écrire son nom.
Bien que le moment ne soit pas propice, je lui souhaite un bon anniversaire, elle a quarante quatre ans aujourd'hui.
Angélique marque un instant d’étonnement, puis se souvient de mon « travail » , elle me remercie et continue, un sourire aux lèvres : c’est vrai qu’elle est née en juin, elle s’est mariée en juin, sa fille Angélique est également née en juin. Si ce n’était le décès de sa mère, survenu en juin aussi, elle penserait que c’est un mois porte-bonheur. Bien sûr elle ne parlerait pas ainsi devant Monsieur le Curé qui l’enverrait immédiatement se confesser pour péché de superstition. De toutes manières, on n’a pas pour habitude de célébrer le jour de naissance, sa véritable fête c’est le 27 janvier, à la Sainte Angélique.
Perdue dans ses pensées elle continue : la fête d’Auguste c’était le 7 octobre, elle se tourne vers le cimetière et murmure quelques mots que je distingue à peine, « laisser dormir en paix… ». Je la prie de réitérer son propos. Elle me rétorque : « Vous ne savez donc pas qu’ils veulent déménager nos morts ?
Effectivement je ne suis pas au courant. Angélique m’explique que le cimetière étant devenu trop petit, la commune a acheté un terrain sur le chemin du Tronquoy, au lieu-dit « le champ Pillon » et a décidé d’y transférer les défunts qui reposent autour de l’église. Ce sera fait avant la fin de l’année 1889. Une belle avenue a été tracée, elle est plantée de part d'autres de jeunes marroniers. Cette initiative, de transferement des cendres, même si elle est nécessaire, ne plait pas à tout le monde.
Tout à coup je repense au mystère du décès de Rosalie, C’est le moment où jamais d’en savoir plus.
« Angélique, nous pouvons nous tutoyer, nous sommes de la même famille, j’ai besoin de ton aide. Tu as vu tout à l’heure, mon travail de recensement, or il me manque une information cruciale : où et quand est décédée ta belle-mère ? »
Ah ma fille, si tu savais ! la pauvre Rosalie a bien souffert. Elle était devenue complètement impotente et nécessitait des soins constants. Nous ne pouvions pas nous occuper d’elle correctement, pas plus que les frères ou la sœur d’Auguste. Elle fut admise, moyennant une contribution, à la maison hospitalière pour vieillards, créée à Escaudœuvres en 1862 par les petites sœurs des pauvres. C’est là qu’elle a terminé ses jours et s’est éteinte le 02 aout 1883.
Je remercie mon aïeule pour cette précieuse information, il est temps pour moi de revenir au XXIe siècle afin de compléter mon arbre généalogique et, pour la mère de famille de donner la tétée au petit dernier. Elle m’invite à la recontacter chaque fois que j’aurai besoin d’informations. Je l'assure que je n'y manquerai pas.
A bientôt Angélique !
Post Sciptum
Pour mémoire le Rendez-Vous Ancestral est un exercice littéraire qui permet de mêler fiction et réalité. Si les dialogues et les sentiments prêtés aux protagonistes sont issus de mon imagination, les données historiques et généalogiques sont strictement réelles.
Angélique mourut en juin 1913 à soixante-huit ans , et son fils Désiré en juin 1916, sur le front à Thiaumont dans la Meuse.
A tout Seigneur tout honneur :
Le mystère du décès de Rosalie a été résolu par Monsieur Raphael Wiart, qui n’est autre que le Président du GGAC . Je l’en remercie vivement.
Date de dernière mise à jour : Ven 10 fév 2023
Commentaires
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- 1. Hoet Le Dim 19 juin 2022
Très jolie histoire. Bien racontée -
- 2. Laëtitia Pessiot Le Sam 18 juin 2022
C'est un chance ces RDVAncestral pour résoudre des épines généalogiques !
Bravo ! -
- 3. Fanny-Nésida Le Sam 18 juin 2022
Rendez-vous nostalgique, échanges constructifs, texte peaufiné -
- 4. Catherine COURAGEUX Le Sam 18 juin 2022
Bravo ! Tu laisses parler ton ressenti dans tes descriptions. Tu sais marier l'histoire à l'Histoire. -
- 5. VERONIQUE ESPECHE Le Sam 18 juin 2022
Un beau RDV qui a nécessité bien des recherches ... Bravo
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