Cetait au temps ...

Lucien Lévêque et Joséphine Rousseaux.

Montigny en Cambrésis, dans les années 30.

Couple leveque rousseaux

 

À Montigny en Cambrésis, dans le Nord de la France, nous partons à la rencontre d’un couple de vieillards nés au milieu du XIXe siècle, ils posent, endimanchés, dans le jardin de leur maison. Ils incarnent l’évolution des familles et de la vie dans le Cambrésis.

Ils ont vécu un siècle de changements. Leur jeunesse, marquée par la révolution industrielle, les a vu grandir dans un environnement où la mécanisation remplace peu à peu le métier à bras. Les rues de terre battue sont maintenant pavées, l’eau courante et la fée électricité ont transformé leur quotidien toujours rythmé par le travail ardu. Puis est apparue l'automobile.

Ils ont connu le Second Empire avant de subir de plein fouet la guerre de 1870, l’instauration définitive de la République et l’invasion des Prussiens dans leur village, l’année suivante.

Lui

« Lucien » Michel Lévêque, simultanément ou tour à tour tisseur et cultivateur, selon les saisons, est né en 1852, aîné d’une fratrie de trois garçons. Son cadet Étienne, enfant éphémère, ne vivra qu’un an. Le benjamin, Célestin, vient compléter la famille en 1857.

Lucien n’a que neuf ans lorsque meurt son père, Jean Martin, à seulement 43 ans. Le voilà brusquement promu « chef de famille ». Leur mère, Lucie Charlet, ne se remariera pas. Elle s’éteindra à l’aube du XXe siècle.

À 20 ans, il est appelé devant le conseil de révision, cela nous permet de tracer un portrait du jeune homme qu’il était. Un garçon d’un mètre soixante-trois, cheveux châtains et yeux bleus, front large et bouche saillante. Il sera dispensé de service militaire en tant que fils aîné d’une veuve.

Il est temps pour lui de songer à se marier et fonder une famille, Il a vingt-quatre ans lorsqu’il épouse Joséphine Rousseaux devant Dieu et les hommes.

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Elle

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Josephine rousseaux

Marie Anne « Joséphine » Rousseaux, accuse sept années de plus que son promis.

Née quatrième enfant sur huit, dans une famille modeste, elle grandit dans un environnement où le travail était la pierre angulaire de la survie. Dès son plus jeune âge, elle était entourée de métiers à tisser dont le bruit résonne dans la maison, et rythme la vie de tous.

Nous ne savons pas grand-chose de son degré d’instruction sauf qu’elle signe le registre lors de son mariage. Au milieu du 19e siècle, la vie d’une femme née dans un village de tisseurs du Nord était marquée par des traditions profondément enracinées. L’éducation était limitée, souvent réduite à l'apprentissage des tâches domestiques et des compétences nécessaires pour tenir un foyer.

Adolescente, elle commence à travailler aux côtés de sa mère, apprenant les techniques de tissage et développant son habileté. Les journées sont longues et éprouvantes. Elles commencent à l’aube et se poursuivent jusqu’à la nuit, dans l’humidité d’une cave, nécessaire au travail du fil. Rêve-t-elle d’une vie meilleure ? Rien n’est moins sûr. La religion, la foi en l’au-delà aident à supporter la peine.

À trente ans, elle n’est toujours pas mariée. Balzac, l’écrivain a inventé un mot pour cette situation : « la vieille fille » (roman de 1828) qu’il dépeint comme une femme aigrie, frustrée et bigote.

Mademoiselle Cormon avait beau prier Dieu de lui faire la grâce de lui envoyer un mari afin qu’elle pût être chrétiennement heureuse, il était sans doute écrit qu’elle mourrait vierge et martyre, car il ne se présentait aucun homme qui eût tournure de mari.

Je me demande, je n’ai pas trouvé la réponse, si son célibat ne provient pas d’un handicap physique. Nous constatons sur la photo qu’elle est « bossue ». C’est peut-être une cyphose congénitale ou autre.

En octobre 1876, la voilà enfin jeune mariée.

En famille

Huit mois plus tard naît la première enfant du couple, Marie « Antoinette ». Suivront Angélina Marie Anne, puis Marie « Joséphine » et enfin Marie « Lucie ». Un garçon s’intercale au milieu : Lucien Michel né en 1880. La religion est très présente dans la famille, les quatre filles sont consacrées à « Marie ».

Lucien et Joséphine iront plus loin puisqu’ils accepteront de donner à Dieu leur unique fils. Le jeune Lucien sera envoyé à Annapes près de Lille, au petit-noviciat Saint-Jean pour y recevoir une éducation religieuse. Hélas, l’adolescent succombera à quatorze ans en janvier 1895.

Avec la Grande Guerre, leur monde va s’effondrer à nouveau. Comme toute la population du Cambrésis ils auront à subir les violents combats et une dure occupation de cinq ans, faite de restrictions et répressions. Le conflit bouleverse les vies, mais le couple tient bon, reste un pilier pour les siens. Bien que les corps soient fatigués, leur esprit demeure vif.

Les années passent, Angélina quitte le nid familial, la première en 1902, pour épouser Henri Deloffre. Puis, dix ans plus tard, Lucie épousera Julien Rossignol.

Lucien et Joséphine connaîtront la joie de devenir grands-parents. Malgré les douleurs et la vieillesse, ils trouveront des moments de plaisir dans les petites choses qui font la vie : les rires des enfants, les fêtes du village, et les soirées passées avec les voisins. Puis tous deux s’éteindront à quelques mois d’intervalle en 1935. Il avait 82 ans, elle en avait 90. Ils étaient plusieurs fois arrière-grands-parents.

 

 

 

Lucien leveque

Epilogue

Leurs deux autres filles Antoinette et Joséphine ne se marieront pas. Un de leurs petits-neveux se souvient d’elles comme des personnes un peu étranges, n’ayant pas su s’adapter au 20e siècle. Elles sont décédées toutes les deux dans les années 60.

Je remercie mon généacousin et complice, Jean Claude Taisne, pour toutes les photos, pour le temps passé à me conter la vie de "Montigny ancien".

Nous ne sommes que des êtres de papier

Que retient-on de nous, une fois nos vies froissées ?

 

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Date de dernière mise à jour : Ven 11 oct 2024

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Commentaires

  • Francois LENGLET
    Un grand merci....et partout dans le Cambrésis, le cliquetis des métiers à tisser qui me rappelle Troisvilles dans les années 50.
  • Josiane Plantard
    • 2. Josiane Plantard Le Ven 04 oct 2024
    Merci pour ces 2 portraits de gens simples ayant mené une vie pleine d’épreuves et de petits bonheurs.
  • Christiane Bruneau
    c'est bien raconté, bien écrit !

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