Michel Farez Sosa 2024
Préambule
Comme chaque début d’année, un exercice consiste à présenter l’ancêtre dont le numéro d’identification (Sosa) correspond au millésime. Vite un petit tour sur mon logiciel qui se charge de ce genre de tâche fastidieuse, la numérotation. Aïe, Aïe Aïe !
L’ancêtre qui porte le numéro 2024 est : Michel Faretz. Me voilà repartie bien loin, à une époque obscure dont on ne sait pas grand-chose, où les hypothèses remplacent les actes.
Le Sosa 2024, correspond à un homme de ma branche maternelle, à la onzième génération.
Ton ancrage familial
Ta naissance se situerait autour de 1644. Tu serais le fils de Charles Fares, laboureur, et de Michelle Bonneville. Ou pas ? Allez savoir ! Faute de preuve nous devons nous contenter d’un faisceau d’indices concordants établis il y a plusieurs décennies par les généalogistes qui font autorité en la matière.
En réalité, l’énigme de ton origine remonte à ton grand-père, Pierre Faré — entre parenthèses vous ne m’aidez pas beaucoup avec l’orthographe de votre patronyme —
Nous sommes dans le Sud-Cambrésis, aux confins de la Picardie. À la frontière entre le royaume de France et l'Empire romain-germanique hérité de Charles Quint. À ta naissance le Cambrésis n’est pas encore français, il demeure sous la domination espagnole du Saint Empire. À la frontière, il constitue un perpétuel point de friction où s’affrontent sans cesse les deux puissances. La petite principauté épiscopale sera rattachée à la couronne de France par le siège de Cambrai en 1677.
Ton grand-père, donc, naît vers 1590 à Selvigny ou Fontaine au Pire, c’est l’un des fils du célèbre Capitaine Olivier Farré. Belle ascendance, probablement lourde à porter. Être à la hauteur d’un héros ! L’ennui c’est que ta grand-mère est quasi transparente, certains généalogistes pensent qu’il s’agit de Jeanne Leduc, de Fontaine au Pire, d’autres prétendent que ta grand-mère serait Adrienne Levesque de Clary. Finalement, peut-être, Pierre eut-il deux épouses tout simplement, nous ne le saurons jamais.
Personnellement, je penche pour la seconde hypothèse, parce que l'une de tes cousines se prénomme Marie Adrienne. C’est l’une des filles de ton oncle Théodore Farez, frère de ton père marié à Villers-Plouich.
Ton père Charles et ton oncle Théodore, par leurs unions respectives vont donc, d’après les historiens, former les deux branches de Clary et de Villers-Plouich. Tous deux appartiennent à une prestigieuse famille de censiers, ils ont tous deux le statut de laboureur, le plus haut échelon de ceux qui travaillent la terre, ce qui leur permet de faire un beau mariage dans leur milieu.
Ta mère est membre de la famille Bonneville, qui n’est pas sans biens. Ils possèdent des propriétés bâties et non bâties, comme en témoignent les documents relatifs à cette époque (contrats de mariage ou partage entre héritiers).
Est-il possible que tu sois fils unique, ou alors tes potentiels frères et sœurs sont-ils égarés dans la sombre forêt généalogique, sans le moindre petit caillou blanc pour les retrouver ?
Bien que fort probable, il n’est pas absolument certain que tes parents, Charles et son épouse se soient établis à Clary dès leur mariage et que tous leurs enfants y soient nés et installés. L’unique indice de leur présence à Clary tient dans un acte notarié de 1644, pour lequel Charles a été mandé comme témoin.
Pour en revenir à la constitution de la famille, deux actes en 1684 et 1688, relatifs à la famille Bonnevile citent une propriété « tenant aulx jardins Michel et Jenne Faré » ; ce qui me laisse à penser que tu aurais au moins une sœur. Nous n’en saurons pas plus sur cette Jenne qui n’apparaît personnellement dans aucun acte. Soit elle est restée vieille fille, soit elle s’est mariée ailleurs.
Ta vie, ton monde
Il est grand temps que je me recentre sur ta vie, ton monde, si je ne veux pas perdre mes lecteurs !
Tu vois le jour vers le milieu du siècle, disons entre 1640 et 1650, dans une chaumière enfumée et sombre, aux murs blanchis à la chaux percés de fenêtres étroites et au sol de terre battue. Une table, un ou deux coffres, un pétrin ou une simple maie pour le pain, un lit et quelques ustensiles, voilà l’essentiel de l’ameublement.
Mais telle n’est pas ta préoccupation, tu as bien plus fort à faire, il va te falloir survivre ! Dès la naissance, tu as eu affaire aux rudes méthodes de la matrone qui t’a sorti du ventre de ta mère puis t’a frotté, massé, remodelé sans ménagement le crâne légèrement déformé par le passage. Pendant deux ou trois ans ta vie ne tient qu’à un fil, comme celle de tous les nouveau-nés. De longs mois durant, boudiné, corseté, immobilisé dans un maillot, telle une momie,
sur la paillasse de ta berce, ta vie, à la merci de tous les dangers, ne tient qu’à un fil. Le froid, la maladie, les bestioles, sans oublier la faim. Combien de nourrissons sont morts prématurément parce que trop tôt sevrés, par l’arrivée d’une nouvelle grossesse. Dieu merci tes parents constatent avec soulagement que tu n’es ni malingre, ni difforme. Un héritier est toujours une réjouissance.
Bien que nous soyons sortis du moyen-âge, le siècle est dur, la nature toujours hostile. Brigands et mercenaires de passage sèment la panique dans les villages. Les circonstances économiques et météorologiques souvent médiocres, parfois désastreuses, raréfient le gibier. Les loups affamés sortent du bois et s’attaquent aux troupeaux, terrorisant périodiquement la population.
Un malheur de venant jamais seul, de 1644 à 1657 la peste fait des ravages dans le nord du royaume de France jusqu’en Pologne, sur fond incessant de guerre de famine et d’insalubrité. La maladie fera une nouvelle apparition début 1670.
Je l’ai dit plus haut, on ne sait pas trop où tu habites pendant ton enfance. Dans une ferme, très probablement. Ta mère règne sur la maison, le potager et le poulailler, tandis que ton père s’occupe des travaux des champs, et des transactions sur les foires et auprès des artisans. Deux mondes séparés qui se retrouvent le soir pour se chauffer autour de la cheminée. Se chauffer est un bien grand mot, la cheminée tire généralement mal, enfume la pièce et ne produit ses bienfaits que lorsque l’on s’en approche. Chacun s’occupe, à filer le lin, à réparer un panier, à écosser des haricots ou à casser des noix, tout le monde prend sa part de travail, même les plus jeunes.
Sans me tromper beaucoup, je peux imaginer ta vie, celle de tous les enfants de ta génération. Dans la journée tu auras la responsabilité de nourrir les poules et ramasser les œufs, tirer de l’eau du puits de la ferme. Plus tard tu participeras aux travaux des champs tu apprendras à poser des collets pour attraper quelques lapins qui viendront enrichir vos repas de fête.
J’imagine ton effroi lorsque pour la première fois, tu auras conscience de participer au rituel du tue-cochon. L’animal que vous aviez engraissé des mois durant, de patates, rutabagas, et choux, se débattait, s’arc-boutait, grouinait, maintenu par quatre hommes bien costauds, voisins ou famille. Enfin, assommé et égorgé, il se vidait de son sang, précieux liquide recueilli dans une bassine pour la confection du boudin, encore animé de quelques soubresauts.
Les patates, ou truches vous ne les mangez pas. La pomme de terre, comme on l’appelle de nos jours, est déjà en culture de plein champ dans la Flandre occidentale (Belgique), cependant beaucoup la considèrent encore comme la « pomme du diable », considérée comme toxique, elle est réservée à l’alimentation des animaux.
Tu recevras une éducation catholique et dans la foulée, un début d’instruction. Ce n’est pas que les évêques aient pour objectif principal le développement du savoir de leurs ouailles, mais il faut combattre la Réforme dont les doctrines se sont propagées dans certaines parties des Flandres et du Hainaut. Dès le XVIe siècle, l’Église réformée a mis l’instruction au cœur du dispositif de la foi, alors l’Église catholique s’occupera à combler son retard. Le curé chargé du catéchisme y mêlera des rudiments de lecture et aussi d’écriture. Toujours est-il que tu es capable d’écrire ton nom, signer.
Très tôt, tu vas travailler. Dans le Cambrésis, on fabrique des batistes, ou « lins de cambrais » c’est-à-dire des toiles de lin fin utilisées pour confectionner des chemises et mouchoirs, pour une clientèle aisée Au XVIIe et au début du siècle suivant, la Grande-Bretagne est le principal marché d’exportation de ces tissus. Tu débuteras dans la profession comme apprenti puis ouvrier mulquinier afin de pouvoir t’acheter ton propre métier, une « estille » qui sera installée dans la cave, ou l’hygrométrie constante facilite le travail du lin. La situation se dégradera après le rattachement du Cambrésis à la France en 1678. Les batistes font alors l’objet d’une intense contrebande entre les deux pays, ce qui conduit la monarchie britannique à adopter des mesures protectionnistes pour y mettre fin. Les droits sur le lin étranger doublent entre 1690 et 1704, et doubleront encore dans le troisième quart du siècle.
Par nécessité tu exerces un second métier, plus saisonnier, celui de couvreur de paille, aujourd’hui chaumier.
Le métier, très dangereux, nécessite hardiesse et habileté.
Pour que l’eau s’écoule bien, le chaume est posé sur des toits à forte pente, d’au moins 35 degrés.
Le couvreur bénéficie d’une certaine aura, non seulement par le courage dont il témoigne, mais par son savoir-faire très recherché et également aussi par la charge émotionnelle que représente sa fonction de protecteur des foyers, âmes et bêtes.
Les années passent, la petite église de pierre blanche, dans laquelle tu fus baptisé et dont il ne reste aujourd’hui qu’un bénitier datant de 1691, va continuer de rythmer ta vie. Tu y épouses une jeune femme au prénom rare Marie Avoy Dollet, dont nous ignorons tout.
De votre union vont naître et vivre au moins six enfants, Jean, Médard, Catherine, Marie Anne, Magdeleine, Jeanne Michelle.
Vous marierez tout d’abord votre aîné, Jean, à Anne Canonne, en 1704. Il recevra selon votre volonté en avance sur héritage, un lopin de terre sur lequel est construite votre maison, une place dans ladite maison et la moitié de la cave qui contient quatre estilles. Vous ferez également cadeau à jean d’une estille plus tous les ustensiles nécessaires à la confection des toiles.
Puis en 1708 vous bénirez l’union de votre fille Marianne (Marie-Anne) et de Pierre Millot. La jeune fille recevra en dot, l’usage et la jouissance d’une mencaudée de terre semée de blé, 10 pattacons en monnaie de Flandre, une mencaudée de blé coupé et enfin « un omaille » (vache) qu’ils s’engagent à nourrir jusqu’à ce qu’elle sera prête à vêler.
Enfin Jeanne Michelle, votre benjamine, épousera en 1713, Philippe Poulain. Vous êtes encore en vie tous les deux et assistez au mariage. Pour doter votre fille, vous donnerez quarante-huit florins en monnaie de Flandres, une pièce de cinq boistellées de terres labourables ainsi qu’une estille et les ustensiles annexes.
Votre fils Médard Farestz (!) épousera en premières noces Marie Françoise Marécaille, je n’ai pas trouvé le contrat de mariage à ce jour. Je descends de leur fils Pierre Charles Pharez, né à Caullery et Jeanne Marguerite Lamouret originaire de Ligny.
Votre fille Catherine épousera Jean Dusaussoy, je descends également de ce couple par leur fils Olivier marié à Michelle Lanthier.
Seule votre fille Magdeleine reste inconnue pour moi à ce jour.
Michel, tu quittes ce monde apparemment en 1716, mais je n’ai pas encore retrouvé la source qui permette d’étayer cette affirmation.
Ta signature. Le graphisme est certes hésitant, maladroit, faute d’habitude, mais tu y as ajouté un élément graphique, les trois signes « infini » entre le prénom et le nom.
Cette marque n’est pas à proprement parler ce que l’on appelle une « ruche » d’authentification.
La fréquence de cette enjolivure dans le Cambrésis à cette époque laisse plutôt à penser à un phénomène de mode (dessin Michel). Notons que Marie Anoy (Anoie) appose une simple marque en forme de croix du christ.
J'ai tenté de respecter les diverses orthographes du patronyme qui va de Faré, Farez, Faret, Faretz, Farestz jusqu'à Pharez.
J'ai également respecté l'orthographe originale, lorsque je cite le contenu d'actes.
La majorité des informations relatives à Michel Farez se trouve sur Clary en Cambrésis, l'excellente page participative que nous devons à Philippe Bourlet. Vous y trouverez la transcriptions de divers actes, contrats de mariage, successions, relevés par notre ami regretté Marc Maillot.
Les éléments concernant l'ancrage familial proviennent du travail de recherche de Mr Doffe, publié sur Cambrésis Terre d'histoire, repris et complétés par le Groupement des Généalogiques Amateurs du Cambrésis
L'immense chantier Farez reste ouvert, nous y reviendrons un jour à l'autre.
Date de dernière mise à jour : Ven 05 jan 2024
Commentaires
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- 1. Fanny-Nésida Le Ven 05 jan 2024
Un bel éclairage sur un ancêtre lointain et je découvre le sens des 3 signes en prime -
- 2. VERONIQUE ESPECHE Le Ven 05 jan 2024
Waou !!! superbe article ... Tu commences fort l'année -
- 3. Aline Dole Le Ven 05 jan 2024
Bravo, un ancêtre bien présenté, avec beaucoup de détails, exercice difficile pour cette periode
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