Adolphe Delépine et Blanche Blanchard
Adolphe
L’oncle Adolphe, en réalité, n’était pas tout à fait notre oncle. Il appartenait à la génération de ma mère, de ses frères et sœurs. Et surtout… il ne s’appelait pas Adolphe. Ce n’était que son deuxième prénom. Le premier, celui de l’état civil, c’était Porphyre. Mais ça, il aura fallu que je me plonge dans les registres pour le découvrir – et ensuite, que je bataille ferme pour en convaincre le reste de la famille !
“Porphyre ? Mais non, tu confonds. Il s’appelait Adolphe ! Porphyre, c’était notre grand-père…”
Eh oui. Et pourtant, les archives sont formelles : Adolphe s’appelait bien Porphyre, tout comme son père. Mais allez donc faire entendre raison à une mémoire collective têtue, forgée par des années de souvenirs, de vacances partagées, de photos annotées au crayon derrière le cliché !
Je garde de lui un vague souvenir. C’était à l’enterrement de mon grand-père, en 1970. J’étais jeune, un peu à côté de la cérémonie, contente de revoir mes cousins et cousines. En dehors de mes grands-parents, les personnes agées m'étaient étrangères, des gens du siècle précédent. Ce viel homme qui avançait péniblement du fond de l'église, le souffle rauque, comme une vieille locomotive à bout de force.C'était "l'oncle Adolphe", m'avait dit ma mère. Dans mon regard impîtoyable et cruel d'adolescente, j’avais pensé :" il en fait des tonnes, celui-là." — C'est terrible, alors qu'aujourd'hui je suis plus âgée qi'il n'était à son décès —
Porphyre Adolphe Delépine est le huitième enfant d’une fratrie impressionnante de douze. Il est le fils de Porphyre Delépine et d’Archange Furgerot. Lorsque la Grande Guerre éclate, ses trois frères aînés, Charles, Eugène et René sont enrôlés dans le conflit. Trop jeune pour les suivre, Adolphe devient, par la force des choses, l’aîné de fait à la maison, un rôle qu’il assumera plusieurs années durant.
En 1922, il est appelé à son tour sous les drapeaux. Il effectue son service militaire en Allemagne, dans le cadre de l’occupation des territoires rhénans après la guerre. À son retour, il travaille comme garçon boulanger, perpétuant une tradition familiale : son père avait lui-même exercé ce métier pendant la guerre, cuisant le pain au lieu-dit La Brasserie, entre Bertry et Clary. Son frère René, mort pour la France en 1917, était lui aussi boulanger.
Peu de temps après, comme ses frère Charles, puis Cyrille, Adolphe entre à la SNCF. il deviendra aiguilleur. Le couple s’établit dans le Valenciennois – à Condé-sur-l’Escaut, Raismes et dans les environs.
Blanche
C’est avec Blanche Blanchard qu’Adolphe a fondé sa famille. Ils se marient en 1923, à Anzin. Elle est magasinière, lui encore garçon boulanger. Le frère d’Adolphe, Eugène, signe comme témoin. C’est une union solide, tissée de simplicité et de courage, à l’image de tant de couples de cette époque.
Blanche est restée dans les mémoires comme une femme douce et généreuse, au cœur ouvert. Ma mère l’aimait beaucoup. Elle aimait aussi passer ses vacances chez elle, à Condé-sur-l’Escaut ou à Raismes, où la famille s’était installée. Et malgré leurs cinq enfants, Blanche et Adolphe n’ont jamais rechigné à accueillir un sixième passager : ma mère, qui se glissait sans peine dans la fratrie. Grâce au train gratuit accordé aux cheminots, ils l’emmenaient parfois à la mer, ou en excursion à Bon-Secours, ce village frontalier entre France et Belgique, où une vieille photo en noir et blanc témoigne encore de leurs sourires mêlés. De leur union naîtront donc cinq enfants : quatre garçons et une fille.
Blanche meurt prématurément en 1950, emportée par un cancer. Elle n’avait que 47 ans. Adolphe, alors veuf avec de jeunes enfants encore à sa charge, se remarie début 1952 avec Jeanne Marie Altide. Mais cette seconde union ne connaîtra jamais l’harmonie espérée. Le couple finira par divorcer en 1961.
Vint ensuite René, né décembre 1927. Il avait le même âge que ma mère et une grande complicité les unissait.
Enfants, ils racontaient à qui voulait les entendre qu’ils se marieraient ensemble. Bien sûr la vie en a décidé autrement.
René épousera finalement Jeannette Bacouet en septembre 1949. Ensemble, ils auront cinq enfants : une fille, Yolande, et quatre garçons – Michel, Philippe, Bernard, et Didier, ce dernier étant malheureusement décédé en bas âge.
René est mort en novembre 1998 ; Jeannette lui survivra jusqu’en janvier 2003.
Jean, né en 1929, un magnifique angelot blond.
Il souffrait d’une malformation : il était né sans palais, ou tout au moins avec un palais mal fermé. Il dut subir plusieurs interventions chirurgicales, mais conserva toujours un défaut d’élocution.
Il ne se maria pas et décéda à l’âge de soixante ans.
Photo ci-contre : René et Jean.
Et puis, par un beau matin de printemps, en mars 1934, Blanche met au monde des jumeaux : Jacques et Pierre.
Rolande, ma mère, ne les voyait pas seulement comme ses cousins plus jeunes. Elle se projetait sans doute en eux, elle qui avait eu, une sœur jumelle – Laure – emportée bien trop tôt, peu avant ses deux ans. Toute sa vie, ce manque l’avait habitée. Peut-être que dans les jeux de Jacques et Pierre, dans leur lien si particulier, elle retrouvait une ombre douce de ce qu’elle n’avait pas eu le temps de vivre.
Jacques épousera Marie-Thérèse Perdrix. Ils auront deux filles : Pascale et Valérie. Jacques nous quittera en avril 2000, Marie Thérèse lui survivra 20 ans.
Pierre, de son côté, épousera Marcelle Gogneaux. J’ai eu le plaisir d’échanger avec eux dans les dernières années de leur vie. Marcelle m’avait envoyé sa photo de mariage. Pierre est décédé en 2019, et Marcelle l’a rejoint en décembre 2024.
La famille en visite à Caudry chez son frère Charles Delépine et Stuarde Lecerf
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Date de dernière mise à jour : Lun 24 mars 2025
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