Philippe Ciriez Mort Pour La France
Une guerre peut en cacher une autre
Philippe Ciriez (1879-1943).
Cette page constitue la suite de mon prermier article paru en début d'année : Philippe Ciriez
Apparu lors de mes recherches, en début d'année, sur le patronyme CIRIEZ (CIRIER) objet de mon thème fil rouge 2021. La mention Mort pour la France a immédiatement attiré mon attention. Mais en début d'année 2021, les Archives du Nord sont en pleine refonte. Impossible d'accéder aux fiches militaires.
Philippe CIRIEZ est mort le 22 janvier à Villejuif, ancien département de la Seine, devenu département du Val de Marne en 1968.
Nous sommes en pleine seconde guerre mondiale, les Allemands occupent le pays. La résistance est active.
Mon premier réflexe consiste à consulter les moteurs de recherches afin d'identifier quel évenèment aurait pu conduire au décès de mon personnage, bombardement, attentat, arrestation d'un réseau, d'otages. Je ne trouve rien à cette date paticulière, ni sur Villejuif ni sur les alentours.
J'adresse un email à l'ASSOCIATION NATIONALE DES FAMILLES DE FUSILLÉS ET MASSACRÉS DE LA RÉSISTANCE FRANÇAISE ET SES AMIS...Celle-ci ne prendra même pas la peine de me répondre.
J'interroge mes amis du forum 39-45 LE MONDE EN GUERRE, aucun n'a d'information sur ce qui aurait pu se passer le 22 janvier 43.
Le Service Historique de la Défense à Caen est ma dernière chance. La Division archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), conserve leurs fichiers et dossiers individuels.
Ma demande partie courant janvier est couronnée de succès, puisque j'ai reçu fin avril les copies du dossier : Philippe CIRIEZ n'est pas une victime de la seconde guerre mondiale, mais de la Grande Guerre. Le hasard a voulu qu'il soit mort lors du conflit suivant. J'avais pressenti une telle conclusion puisque, dès 1920, sa fille Hélène Espérance avait été adoptée par la nation.
Lorsque débute la guerre, Pilippe est déjà âgé de 35 ans, ce n'est pas un "bleu" . Lors de son service militaire de 3 ans, il a participé aux campagnes de conquête de l'Algérie entre 1900 et 1903.
Mobilisé le 2 août 1914, et fait prisonnier à Maubeuge le 7 septembre, soit après un mois de guerre, notre homme de troupe sera envoyé au camp de Münster, en Rhénanie.
Les conditions de détention sont très dures. Charles PETIT, également fait prisonnier à Maubeuge le 7 septembre 1914, raconte : "pendant les premières six semaines, il n'y avait aucune installation pour loger les hommes, ni tentes, ni baraquements. Le nombre des prisonniers était de 24000; pour se mettre à l'abri, ils creusaient des trous dans la terre, en les couvrant tant bien que mal de mottes de gazon. Il n'y avait aucune installation de cuisine au début. La mortalité des prisonniers, à ce moment, était considérable. Les installations de baraquements n'ont été achevées que vers la fin de janvier 1915".
Il est rapatrié sur Lyon avant la fin du conflit, le 8 juin 1918. Il y sera interné pendant un an et proposé pour la réforme, en raison d'un taux d'incapacité de 60 % provoqué par une confusion mentale chronique.
Dans les années qui suivront, l'état de santé de Philippe s'améliore mais il ne recouvrera jamais la pleine santé mentale. Il est définitivement réformé pour "troubles psychiques légers ayant débuté en captivité, céphalées, perturbation de l'humeur, obnubilation passagère et alcoolisme chronique". Une pension lui est allouée.
Dans l'entre deux guerres, Philippe CIRIEZ sera plusieurs fois interné à l'hôpital Ste Anne de Paris. Puis c'est l'hopital psychiatrique de VILLEJUIF qui l'accueillera à partir du 13 mai 1940. Il y succombera le 22 janvier 1943, officiellement d'une tuberculose pulmonaire. Toutefois "le dossier ne renferme pas d'observation relatant la symptomatologie"...
C'est là que l'on rejoint l'un des grands faits méconnus, non-dits, de la seconde guerre mondiale en France : "l'hécatombe des fous" ou encore "extermination lente" : expression forgée pour dénoncer l'abandon et la mort lente, de faim, de froid et de carence de soins, des malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques français durant l'Occupation..
Ce sont entre 40 000 et 50 000 malades qui périront ainsi dans les "asiles". Philippe CIRIEZ qui pesait 88 kg à son entrée dans l'établissement en mai 40, ne pesait déjà plus que 46 kg en novembre 1942. Il aura été doublement victime, de la première guerre et de la seconde guerre mondiale.
Non, ce ne sont pas des survivants d'Auschwitz mais des rescapés, après la seconde guerre mondiale, de l'hôpital psychiatrique de Clermont-de-l'Oise.
Cette photo figure dans le rapport de la direction de l’hôpital de Clermont-de-l’Oise, en 1945, où il est précisé que l’état squelettique des malades ici représentés n’est pas exceptionnel.
Il faudra attendre le XXIe siècle pour que cette affaire soit enfin évoquée auprès du public.
Si vous êtes interessé par le sujet, je vous renvoie vers ce blog spécialisé en psychiatrie : http://psychiatrie.histoire.free.fr/psyhist/heca.htm
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Date de dernière mise à jour : Jeu 10 oct 2024
Commentaires
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- 1. André Douay Le Dim 09 mai 2021
Bonjour Dominique,
Merci pour cet article, je ne suivais pas depuis un certain temps ton activité de chercheuse généalogique.
Pour ce malheureux, il n'a pas eu le réflexe de prendre la poudre d'escampette lors du trajet de Maubeuge à
Munster, comme un grand oncle à moi !! - Destin tu tiens à peu de choses ....
Félicitations pour ton travail !
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