Baptiste Milot (1833-1913)
- Le Mar 09 avr 2024
- Dans La photo du mois
- 4 commentaires
27 mars 1854, début de la guerre de Crimée.
La France, aux côtés du Royaume uni, et leurs alliés turcs se coalisent pour combattre les ambitions expansionnistes du Tsar Nicolas 1er. Depuis le début du siècle et la victoire sur Napoléon, l’Empire russe ne cesse d’accroître sa puissance en Sibérie et en Asie centrale, mais le tsar lorgne aussi vers les pays slaves d’Europe.
La géopolitique
Ce conflit de deux ans représente un épisode plus ou moins oublié de notre histoire contemporaine. Il préfigure pourtant ce que sera la guerre « moderne » de 14/18 et des suivantes, avec ses tranchées, ses offensives ciblées, l’usage des armes automatiques et surtout, ce sera la première guerre couverte par des reporters photographes.
Notons également que c’est la première fois depuis plus de 600 ans que Français et Anglais combattent dans le même camp !
La guerre de Crimée se déroule dans une portion des terres russes, dans une région qu'on appelle une « marche » une oukraïna, à l’origine du mot Ukraine, dont la ville principale est Sébastopol, port d’attache de la marine impériale russe dont le siège dura onze mois, d’octobre 54 à septembre 55.
Un rapport médical du service de santé aux armées, paru en 1865, révèle que lors du conflit plus de 95000 soldats français sont morts, dont environ 75000 de maladies ! Essentiellement choléra et typhus.
Le soldat Baptiste Milot
C’est l’occasion idéale de vous présenter ma photo du mois. Elle m’a été confiée par un généalogiste, André Saison qui m’a contactée via Généanet, dans le cadre de recherches sur sa famille. Pour ceux qui me suivent, j’ai déjà consacré un article sur cette branche : Baptiste Milot est l’époux de Sydonie Montaye. Jeune marié à midi, heureux papa à quatorze heures !
Baptiste est un vétéran de la guerre de Crimée, au cours de laquelle il aura les oreilles gelées. Cela signifie qu’il n’a pas eu de chance au tirage au sort, et que sa famille n’avait pas les moyens de s’offrir un remplaçant. Pour mémoire en 1854, la durée du service militaire est de sept ans.
Consolation, si l’on peut dire, par rapport aux guerres napoléoniennes, les troupes ne voyagent plus à pied. Elles ont débarqué à Varna en Bulgarie après avoir emprunté le détroit des Dardanelles.
La médaille de Crimée
Comme vous pouvez le constater, la médaille commémorative portée par Baptiste est d’origine britannique.
En effet La médaille de Crimée décernée aux officiers, sous-officiers, soldats et marins de tous grades ayant participé à la guerre du 14 septembre 1854 au 8 septembre 1855 a été créée à l’initiative de la reine Victoria qui avait fait connaître son intention dès le 2 décembre 1854. Elle est instituée le 29 janvier 1856. Le nom du récipiendaire était gravé sur la tranche, souvent avec indications du grade et unité d'appartenance.
La France ne possédait pas à cette date de médaille commémorative de la campagne. Aussi, la médaille de Crimée britannique, fut-elle reconnue par le gouvernement français par décret du 26 avril 1856. Elle a été attribuée à tous les militaires français ayant participé à cette campagne, et son port autorisé.
L’homme Jean Baptiste Milot
Il naît à Maurois, en 1833, bien après que son père Pierre originaire de Bertry aura épousé une maurausienne, Catherine Wilmant en 1815. En fait, il est le dernier d’une fratrie qui compte deux filles et cinq garçons. Trois des enfants mourront en bas âge. Jean Baptiste et son frère verront leur patronyme transformé en Milot alors que les autres membres de la famille conserveront la graphie originale de Millot.
Le père, Pierre est gazier. N’allez surtout pas croire qu’il travaille à la compagnie du gaz. Le gazier est l’artisan qui tisse l’étoffe légère appelée la gaze.
Baptiste, puisque c’est son nom d’usage, travaille aussi dans l’industrie textile. Il est âgé de 27 ans quand il épouse Sydonie Montaye, en 1861, après sa longue période militaire. Le couple a trois enfants, Sydonie, Ernest et Joséphine lorsque la maman meurt peu après la naissance du troisième.
Veuf pendant dix-huit mois, il se remarie avec Sophie Chandelier, originaire de Viesly. Le nouveau couple aura trois filles, Zoé, Sophie et Flore. Sa seconde épouse mourra en 1890.
Baptiste finira sa vie auprès de sa fille Zoé, la seule à n’être pas encore mariée. Il s’éteint paisiblement au début de l’année 1913, dans sa 80è année. Il n’aura pas ainsi à connaître les affres occasionnées à sa famille par la Grande Guerre.
Généalogie, les 6 enfants de Baptiste
Sydonie.
L'aînée, elle épousera Jean Baptiste Ruffin, de Solesmes. Ils auront trois enfants, dont Léoncie née en 1891, qui mourra, victime civile d’un bombardement pendant l’exode de 1940.
Ernest.
Son cadet épousera Marie Pélagie Hutin née à Mitry Mory, mais originaire de Bertry.
Le couple aura quatre enfants, dont Ernestine qui se mariera avec Emile Lienard.
La photo ci-contre nous montre Ernest, son épouse Pélagie Hutin assise, leurs deux filles : Ernestine à Droite et Marie à gauche.
Joséphine.
Elle mourra à l’âge de deux ans, peu après le remariage de son père.
Zoé.
Se mariera le 21 juillet 1914 avec Juste Watremez. Hélas, moins d’un mois plus tard, il sera appelé à la guerre. Il mourra en 1915. Une page lui sera consacrée ultérieurement.
Sophie
Elle épousera Arthur Polin de Troisvilles. Elle mourra peu après la naissance de leur fils Paul. Le petit orphelin sera élevé par sa sœur Flore, née avant le mariage de ses parents
Flore
La benjamine épousera Auguste Dessaint en 1900. Cinq des sept enfants du couple parviendront à l’âge adulte. Auguste sera tué tout au début de la guerre en 1914. Sa veuve mourra de chagrin l’année suivante. André Saison, qui m’a aimablement confié les photos, est un petit-fils du couple. Je l'en remercie vivement.
Photo prise peu avant 1913, rue de Bertry à Maurois. Au centre Paul Polin né en 1903. A sa droite sa sœur Flore nee en 1894. Ils sont les enfants d'Arthur Polin à gauche en bas. Zoé en haut à gauche et Flore à droite entourent leur père Baptiste Milot.
Pour clôturer cet article, je préciserai juste que j’ai, à ce stade de mon arbre, une dizaine d’ancêtres communs avec Baptiste Milot, tous au XVIIIe siècle. Vous pouvez retrouver son arbre généalogique ICI.
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Commentaires
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- 1. chaudet nicole Le Mer 10 avr 2024
Bel ouvrage Dominique ! Et parler de cette épouvantable guerre de Crimée est aussi un retour utile sur notre histoire. C'est vrai que cette guerre était éloignée de la population civile et a moins touché les esprits du public français. mais tout comme la bataille de Solférino, ou même les batailles Napoléoniennes, elles ont été de véritables boucheries où les morts étaient encore plus dus aux manques de soins envers les vivants comme des blessés. Certaines avancées humanistes datent d'ailleurs de cette époque : Henry Dunant écoeuré par la bataille de Solférino consacra sa fortune à la fondation de la Croix Rouge, organisme qui était chargé alors du secours aux blessés du champ de bataille. Et la guerre de Crimée a suscité la vocation de Florence Nightingale qui a créé les premières écoles d'infirmières après avoir inventé la médecine de guerre à l'hôpital de Scutari. La guerre est une tragédie, mais elle a parfois permit des avancées médicales, chirurgicales, et même humanistes.-
- Dominique LENGLETLe Jeu 11 avr 2024
Merci beaucoup Nicole pour ce supplément d'informations judicieuses sur la guerre de Crimée et ses conséquences
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- 2. Jean-Luc Marcel DUMOULIN Le Mer 10 avr 2024
Merci pour ce récit précis sur nos ancêtres et un peu d'histoire de notre région. -
- 3. Christiane Bruneau Le Mer 10 avr 2024
Bravo. Comme quoi une photo permet de raconter plein de choses.
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