Cold Case Achille LENGLET 1850-1874
- Le Jeu 09 déc 2021
- Dans Histoire locale
- 5 commentaires
Quimper 11 décembre 1874 :
Par une nuit sans lune, un militaire homme du rang du 118e Régiment d’Infanterie de Ligne, encore engourdi par le sommeil et saisi de froid, vient prendre la relève de quart à la guérite du factionnaire de la préfecture de Quimper. Il entre au préalable dans le corps-de-garde afin de se signaler au sous-officier de service. À sa grande surprise, il n’y a personne dans le bureau. Seuls signes visibles : un schako (kepi) posé sur le bureau et un fusil de service. Son supérieur ne doit pas être bien loin. Probablement parti "satisfaire un besoin naturel". Le temps passe, le planton s'inquiète.
L’alerte est donnée, des recherches sont entreprises. Au 118e, deux mots circulent : Achille LENGLET.
Une inspection en règle est réalisée au sein de la caserne et dans la préfecture… Rien. Le Caporal Lenglet, 24 ans, célibataire, originaire de Bertry, dans le departement du Nord, demeure introuvable.
L’enquête :
Un nouveau jour se lève sur Quimper, mais une ombre sinistre plane sur les rives de l’Odet. Au 118e de ligne, ainsi qu’à la préfecture, la nouvelle s’est répandue comme un trainée de poudre. Un militaire est porté manquant. Toutes les hypothèses sont envisagées, fugue, accident, désertion. Les langues vont bon train. Une certitude : l’arme n’a pas servi. L’inquiétude se lit sur les visages. Les conditions de la disparition du Caporal sont tout aussi obscures que l’était le ciel quimpérois la nuit passée.
Dès l’aube, les gendarmes débutent les investigations, et les premiers interrogés sont les camarades de Lenglet, avec qui il a passé la soirée dans une auberge de la rue Sainte-Catherine. « Achille Lenglet est un bon vivant », c’est en ces termes que ses amis le décrivent. Il aime à boire avec eux, le soir après sa journée de service à la caserne du quartier Saint-Mathieu. François Tréguer explique qu’ils étaient cinq attablés dans un cabaret, pour dîner. Guillaume Cozic mentionne qu’ils n’ont consommé qu’une bouteille de cidre pour accompagner leur soupe, ce qui est confirmé par Hervé Mahé. Joseph Donval, quant à lui, précise les horaires : ils sont arrivés à 5 heures du soir et sont repartis à 9 heures. Ils sont rentrés à la caserne du 118e et se sont couchés, y compris le Caporal Lenglet.
Après les militaires, vient le tour du voisinage de se plier aux questions des enquêteurs.
Les cabarets de la rue Sainte-Catherine, et ils sont nombreux, sont passés au crible. Les blanchisseuses du « Pont Pissette » sont également questionnées… Elles n’ont rien vu. Les jours passent et le Caporal reste introuvable. Achille a disparu.
Un signalement :
Le 13 décembre, les Gendarmes sont appelés par un riverain du quartier du Halage.
Un corps flotte entre deux eaux en aval des quais du Cap Horn. Les enquêteurs se « transportent » sur place, accompagnés du procureur de la République. Il s'agit du corps d'un homme, vêtu d’un uniforme de fantassin. Le docteur Gaumé, médecin du 118e, est appelé en urgence ainsi que le docteur Debout, médecin civil. Le corps est remonté sur la berge, et transporté à l’hospice.
Si l’homme porte son uniforme complet, son schako est introuvable, et de surcroît, sa main gauche est dans la poche du pantalon.
Une autopsie est réalisée qui met en évidence une large blessure ouverte sur le crâne, de la nuque au front.
Épilogue :
Les experts identifient la victime, il s'agit bien du Caporal Achille Lenglet. Eu égard à la nature des blessures ils concluent à une agression. L'homme semble avoir reçu un violent coup asséné au moyen d'un instrument contondant comme une grosse pierre. Toutefois il n'était pas mort lorsqu'il est tombé ou a été jeté dans l'eau.
L'enquête ne révèlera rien de plus, aucune piste sérieuse ne peut être retenue. Si tant est que l'administration ait vraiment pu ou voulu creuser. Le 118e RI ce sont quelques 850 conscrits qui à l'occasion de permissions de minuits sont susceptibles de créer des tapages nocturnes et des troubles à l'ordre public. Face à eux, le commissaire de police ne dispose que de six hommes. Effectifs réduits la nuit à seulement à une patrouille de deux hommes. Le conscrit sous influence éthylique figure parmi les troubles-paix les plus craints des agents de polices, peu nombreux, qui doivent régulièrement faire face au cours de leur patrouille nocturne à des groupes de militaires hostiles qui parfois baïonnettes à la main refusent d'obtempérer à leurs sommations. (source : Archives municipales de Quimper)
De nombreuses interrogations demeurent : Pourquoi ? Comment ? et surtout Qui ?
Comment ne pas penser à cette phrase de Dumas tellement célèbre qu'elle a fait le tour du monde « Cherchez la femme, pardieu ! Cherchez la femme ! »
Autant de questions sans réponse auxquelles la famille restera à jamais confrontée.
Le 19 avril 1904, un autre Achille Lenglet, son neveu, adolescent de 17 ans se pend. Le prénom de l'oncle disparu était-il trop lourd à porter ?
Généalogie :
Achille Lenglet né le 8 mai 1850 était le fils aîné de : Achille (1825-1902) et Anne Geneviève LEPRETRE (1825-1861)
Ce sont seize liens de parenté, cousinage, qui nous lient. Il serait trop long et fastidieux d'entrer dans le détail.
Annexes :
Les articles de presse à la base de ce récit :
Le rapport de Gendarmerie retrouvé aux archives départementales du Finistere.
Un très grand MERCI à mon ami Gilles CARDINAL qui s'est déplacé aux archives pour obtenir ces précieux documents
Commentaires
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- 1. LEFORT Olivier Le Jeu 17 fév 2022
L'histoire est triste. Mais l'approche "cold case" de Dominique est tout à fait savoureuse et très bien documentée comme d'habitude. La répétition des Achille qui décèdent a un petit côté "psychogénéalogique". Merci et bravo à Gilles Cardinal et Dominique Lenglet.
Dominique, Dominique... une femme à chercher... ne restes-tu pas une incurable romantique ?
Olivier-
- Dominique LENGLETLe Jeu 17 fév 2022
Merci Olivier. L'idée du "cherchez la femme" ne vient pas de moi., mais d'un militaire de carrière, à la fois généalogiste et amateur d'Histoire et d'histoires. J'ai plutôt tendance à croire en ses analyses
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- 2. Cardinal Gilles Le Sam 11 déc 2021
Ce fut un plaisir !
J'espère qu'un jour, quelqu'un trouvera un document qui permettra de faire la lumière sur cette affaire. -
- 3. @HDNFamilles Le Sam 11 déc 2021
Je connais bien cet endroit pour travailler à proximité, quartier du Cap Horn, près de l'Odet. Triste histoire, je penserai à Achille quand je passerai par là la semaine prochaine -
- 4. LENGLET François Le Sam 11 déc 2021
Bien triste histoire dont je n'avais jamais entendu parler.
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