Auguste Eloire, une vie brisée
- Le Sam 26 avr 2025
- Dans Histoire locale
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Les faits relatés dans la presse de mars 1908 avaient de quoi surprendre : un cambriolage audacieux, une bande de malfaiteurs arrêtée après enquête et, parmi eux, un notable bertrésien dont l’arrestation jeta la consternation dans la région. Auguste Eloire, « un riche et fort honorable commerçant », homme connu et respecté, fut désigné comme le receleur du butin. Mais son rôle exact dans l’affaire resta flou. Était-il un simple acheteur malavisé ou avait-t-il réellement commandité le vol ?
Un cambriolage spectaculaire
Dans la nuit du 9 au 10 mars 1908, une bande de malfaiteurs pénètrait dans les ateliers de tissage mécanique Arragon et fils, à Bohain (Aisne). Leur butin ? 265 kilogrammes de soies et cotons en écheveaux, pour une valeur de 12 000 francs. L’enquête, menée tambour battant par la police mobile, aboutit rapidement à l’arrestation de plusieurs individus à Bohain et Bertry. Parmi eux, un certain Gustave Bouvelle, déjà connu pour ses frasques rocambolesques (dont l’épisode inoubliable du cheval caché dans la chambre de sa belle-mère), mais aussi un négociant plus respectable : Auguste Eloire.
L’arrestation d’Eloire avait surpris tout Bertry et les alentours. Ce notable, dont la famille était estimée, ne semblait pas avoir le profil d’un malfaiteur. Pourtant, lors des perquisitions, une partie des soies volées avait été retrouvée dans son magasin, ainsi que d’autres marchandises provenant de vols similaires commis dans la région.
Dès lors, les complices arrêtés à Bohain et Bertry n’hésitèrnt pas à le charger lourdement. Selon eux, il aurait non seulement accepté d’écouler la marchandise, mais il aurait aussi joué un rôle clé dans la programmation des vols. La presse de l’époque, avide de scandale, n’hésita pas à en faire le cerveau de l’opération. Mais cette version était-elle fidèle à la réalité ?
Si l’on suit le fil des événements, un doute subsiste sur l’implication réelle d’Eloire. Contrairement à Bouvelle, qui écopa de quatre ans de prison, notre homme ne sembla pas avoir été condamné aussi sévèrement. Mieux encore, aucune trace de condamnation n’apparaît sur sa fiche matricule militaire. Seul le recel fut, vraisemblablement, retenu contre lui, ce qui laisse penser que son implication dans le vol proprement dit était bien moindre que ce que ses complices avaient pu laisser entendre.
Son jeune âge et son casier vierge paidèrent-il en sa faveur ? Etait-il simplement un négociant imprudent, peu regardant sur la provenance des marchandises qu’on lui proposait ? Ou bien les vrais instigateurs du cambriolage avaient-ils trouvé en lui un coupable idéal, un bouc émissaire commode pour endosser cette responsabilité ?
Une vie brisée
Quoi qu’il en soit, cette affaire bouleversa profondément la vie d’Auguste Eloire. Bien qu’habitant la commune de Bertry, il n’y avait pas, à ma connaissance, d’ascendance familiale, ses parents provenaient de Crèvecœur sur Escaut. Je ne pense pas qu’il eut le moindre lien de parenté avec son homonyme Charles François Ernest Eloire, médecin qui épousa Berthe Stoclet.
Eloire, de son nom complet Charles François « Auguste » , était, comme ses frères et sœurs né à La Capelle, dans l’Aisne, probablement en raison de la profession de son père, médecin vétérinaire – L’hippodrome international ayant été créé en 1874 – puis la famille était revenue vivre à Caudry.
En 1905, Auguste avait épousé, à Caudry, Zoé Lefèbvre, puis le couple s’était installé à Bertry où il exerçait le métier de négociant en broderies.
En 1908, Son commerce perdu, il dut quitter le village. Commença alors pour lui une errance à travers la France :
- En 1910, il habitait à Villeneuve-Saint-Germain, dans l’Aisne, puis en fin d’année, il partit à Épernay, dans la Marne. En 1913, on le retrouvait à Caen, avant qu’il ne s’installe à Limoges en 1919. C’est là que naquit sa fille, Yvonne. Pendant la guerre de 14-18, il fut rappelé mais ne put combattre, il fut versé dans le service auxiliaire en raison de rhumatismes sévères.
- En 1925, il revint dans le Nord, s’installant d’abord à Solesmes, puis à Fontaine-au-Pire. Après cette date, il disparut des radars administratifs. Sa fiche militaire mentionne simplement "introuvable". Cependant on retrouve sa trace à Lille en 1931. Il a divorcé et se remarie avec une veuve Anna Célina Borremans. Tous deux sont dits « sans profession » sur l’acte de mariage. De quoi vivent-ils ?
Ainsi, après l’affaire de 1908, Auguste Eloire ne retrouvera jamais vraiment sa place dans la société. A-t-il cherché à se reconstruire ailleurs, à fuir le regard des siens ? Ou bien a-t-il simplement saisi les opportunités là où elles se présentaient ? Le mystère reste entier.
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