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1921 la carte d'identité

  • Le Mar 23 mars 2021
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Il y a  un siècle naissait la carte d'identité

En septembre 1921, le préfet de police Robert Leullier institue une «carte d'identité française» dans le département de la Seine. Son initiative a été saluée comme une étape décisive pour rendre l'dentification des citoyens  efficace et uniforme. Cela a également suscité de nombreuses réactions hostiles.

Dans le dernier tiers du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le développement du « bertillonnage » et l’essor de la « dactyloscopie » ont permis aux autorités françaises de repenser le rôle assigné au signalement, et de créer un classement performant pour les fichiers constitués.

800px bertillon signalement anthropometriqueLe bertillonnage :

Alphonse Bertillon, né à Paris en 1853 est un criminologue. Il est le fondateur, en 1882, du premier laboratoire de police d'identification criminelle et le créateur de l'anthropométrie judiciaire, appelée « système Bertillon » ou « bertillonnage », le système sera rapidement adopté dans toute l'Europe, puis aux Etats-Unis, il sera utilisé en France jusqu'en 1970. Il s'agit d'établir neuf mesures osseuses, auxquelles s'ajoutent une description, faisant état des signes particuliers éventuels tels que tatouage, cicatrice, grain de beauté.

Bertillon met en place la "photographie judiciaire" telle que nous l'avons tous vue dans les films, la photo des individus de face et de profil.

la dactyloscopie : terme officiel pour l'identification d'une personne au moyen des empruntes digitales.

Ces techniques furent créées dans un premier temps pour d’identifier avec davantage de certitude, des franges de la population considérées comme dangereuses ou marginales : délinquants et criminels récidivistes . Néanmoins, au-delà de ces catégories, c’est toute la population française qui est concernée. L'idée de création d'une carte d'identité est soulevée une première fois en 1916, pendant le conflit, mais ce n'est que trois ans plus tard que le projet est "ressorti des cartons", pour voir sa concrétisation en 1921.

Cette innovation va susciter un vaste débat public et se heurter à de nombreuses résistances .

Au début du xxe siècle, les titres auxquels les Français recourent pour prouver leur identité civile sont nombreux et variés . Beaucoup de gens utilisent des certificats que délivrent à cette époque les maires et les commissaires de police (certificats d’identité, de bonne vie et mœurs, de domicile) ou leur livret militaire, leur permis de chasse, leur acte de naissance ou leur livret de famille. Cette pratique donne lieu à de nombreuses fraudes et falsifications, d'où l'idée d'un document unique certifié par les autorités policières.

Cette nouvelle carte est créé « dans l’intérêt même du public  », car elle rend inutile la présence des deux personnes habituellement requises afin de certifier l’identité d’un individu lors de toute démarche effectuée auprès des services de l’État : les deux témoins que nous côtoyons régulièrement sur tous les actes de naissances et de décès de notre généalogie.

Une partie de la presse approuve ces mesures en les présentant comme indispensables et combattent cette idée reçue que la prise d'emprunte digitale est  déshonorante.

« Pourquoi ne consentirions-nous pas à signer avec le pouce ou l’index ? Une signature peut être aisément imitée, falsifiée. Une empreinte, paraît-il, ne peut pas tromper » -Quotidien La Liberté-

En dépit de cette campagne de presse, la mise en œuvre du projet va se heurter d’emblée à de gros obstacles. Les premiers sont d’ordre matériel :

Au mois de septembre 1921, alors que R. Leullier annonce officiellement la création de cette carte d’identité, les commissariats de police de Paris et de banlieue n’ont reçu ni les instructions ni le matériel nécessaires à sa délivrance. Ils ne disposent pas des bulletins de demande et du modèle de la carte dont l’impression a été retardée.  Les instruments permettant de relever les empruntes digitales, plaque de zinc, encre  et petit rouleau en caoutchouc ne leur ont pas non plus été livrés . L’initiative est également ralentie faute de bras pour la mettre en œuvre. Dans un grand nombre de commissariats, « les agents, surmenés déjà, voient cette institution sans enthousiasme  » (Le Figaro)

Identite mystereMais la diffusion de la « carte d’identité de Français » va surtout se heurter aux résistances d’un grand nombre de citoyens. Le mécontentement se focalise sur la question de l’empreinte digitale. Beaucoup d’observateurs condamnent cette formalité au motif qu' elles assimileraient les citoyens aux délinquants. un article du journal La France évoque cette idée  :

 "Ainsi, la Préfecture de police de Paris ne trouve rien de mieux, pour les honnêtes gens, qu’une carte d’identité établie sur le même principe que les fiches anthropométriques des malfaiteurs. C’est tout de même un peu désobligeant d’être logé à la même enseigne que les pires coquins et d’être obligé d’apposer comme eux ses empreintes digitales sur sa fiche individuelle et sur sa carte d'identité"

l’opinion publique découvre la menace que ce dispositif d’identification fait peser sur les libertés individuelles. « Nous sommes déjà enserrés dans une série de règlements qui font que nous n’avons plus de libertés, nous ne respirons plus » déclare le professeur de droit René Garraud. La carte d'identité fait l'unanimité politique et syndicale contre elle. Le gouvernement ne parvient pas à la rendre obligatoire. elle restera donc facultative.

Andre billyLe célèbre chroniqueur satirique de l'époque André Billy, est en verve, il écrit dans Le Petit Journal :

 « Allons, bon, voilà que pour l'obtenir, il faudra déranger deux témoins ! Or, c'est précisément l'absurde obligation dont nous espérions que cette carte nous délivrerait. Décidément j'y renonce. Ou plutôt, j'attendrai d'être connu personnellement de mon commissaire de police. Mais qu'est-ce que M. Leullier entend exactement par là ? Suffit-il que nous soyons, mon commissaire et moi, les habitués du même café ? Non, sans doute. Cependant, s'il nous est arrivé une fois ou deux de faire la partie ensemble ? Si ma femme fréquente le même cours de danse que sa fille cadette ? 

Enfin, bref, on aimerait être fixé sur ce qui s'appelle être « connu personnellement » du commissaire.

Le règlement relatif à la nouvelle carte d'identité appelle d'autres observations : il révèle, par exemple, de la part de son auteur, une misogynie vraiment excessive. Forcer les femmes à produire leur acte de naissance, alors que les hommes sont exempts de cette obligation, ce n'est pas seulement pécher contre la galanterie la plus élémentaire, c'est élever l'inélégance à la hauteur d'un système."

Temoins2

La carte d'identité ne deviendra obligatoire que bien des années plus tard. Par la loi du 20 novembre 1940 le gouvernement du Maréchal Pétain ordonne que « tout Français de l'un ou de l'autre sexe, âgé de plus de seize ans, ne peut désormais justifier de son identité que par la production d'une carte d'identité, dite « carte d’identité de Français ».  Dans les années 1943-1944, les faux papiers deviennent une véritable industrie, dont les débouchés débordent des besoins des résistants pour s’étendre à tous les pourchassés. La carte d'identité redevient non obligatoire avec le décret no 55-1397 du 22 octobre 1955.

Cnimodele     Carte identite ancienne

 

 

 

 

 

 

 

 

 
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